14. Historic Route 66, Arizona

Williams / Interstate 40 / Seligman / Angel Delgadillo / Arizona State Route 66 / Hackberry / Kingman / Mr. D'z Route 66 Diner / U.S. Route 93

The Mother Road, Main Street of America, la légendaire et immortelle Route 66 ! Son histoire débute le 11 novembre 1926, lorsque plusieurs portions de routes et de chemins sont associées, selon un plan de réseau routier moderne défini par le président Woodrow Wilson, afin de créer un itinéraire reliant l’Est à l’Ouest des États-Unis. Sur plus de 3'500 kilomètres, la Route 66 relie les villes de Chicago à Santa Monica, en traversant trois fuseaux horaires et huit états, avec l’Illinois, le Missouri, le Kansas, l’Oklahoma, le Texas, le Nouveau-Mexique, l’Arizona et la Californie. Cet itinéraire est l’héritier du parcours emprunté par l’expédition d’Edward Fitzgerald « Ned » Beale, en 1857, qui cherche à définir une voie d’accès vers l’Ouest et la Californie. Général militaire, combattant de la guerre américano-mexicaine, explorateur, pionnier et éleveur de Californie, Ned devient une figure nationale aux États-Unis, lorsqu’en 1848, il rentre vers l’Est en transportant les premiers échantillons d'or de Californie, ce qui contribua à la ruée vers l'or. Le premier panneau reconnaissant la Route 66 a été affiché à Springfield Missouri le 30 avril 1926. À ces débuts, la Route 66 n’est pavée qu’à un tiers de sa longueur, mais déjà, elle désenclave des régions et relie des villes jusque là isolées des réseaux routiers. Ce n’est qu’en 1938, grâce aux plans politiques du président Franklin Delano Roosevelt, qu’elle est totalement revêtue, de Chicago à Santa Monica, et devient la première route transcontinentale américaine goudronnée à relier l’Est à l’Ouest du pays. Sa longueur totale officielle est de 3’670 kilomètres, mais durant son existence, cette longueur a énormément varié, avec de nombreux remaniements de son tracé, notamment en 1937, où la Route 66 est déplacée vers le Sud, et cesse de desservir Santa Fe au Nouveau-Mexique. Cette modification de tracé permet d’éviter la zone très montagneuse et accidentée, difficile à franchir pour les véhicules de l’époque, et raccourcissant le périple vers l’Ouest de 3'945 kilomètres à 3’670 kilomètres.

Depuis son inauguration en 1926, la Route 66 fait partie intégrante de la culture populaire américaine. Dans les années 1930, avec la Great Depression et avec le Dust Bowl, phénomène climatique faisant référence à de redoutables tempêtes de sable provoquées par la sécheresse et l’érosion qui sévissent dans les Great Plains, des milliers d’agriculteurs se retrouvent sans travail, et la Route 66 leur permet de partir vers la Californie à la recherche d’une meilleure vie. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la Route 66 permet de transporter des troupes et du matériel à travers le pays. Après la guerre, de grandes villes et de plus petites bourgades se développent tout au long de la Route 66. Des centaines de motels, de cafés, de stations-service, de boutiques et d’attractions touristiques fleurissent sur son parcours. Pendant ses heures de gloire, la Route 66 reçoit de nombreux surnoms. La National US 66 Highway Association, qui se charge de populariser la route, lui donne le nom de « Main Street of America », car elle fait office de rue principale dans la plupart des villes qu’elle traverse. Le nom de « Mother Road » lui est aussi attribué, car il est raconté que toutes les routes secondaires débouchent sur la Route 66. La Route 66 devient vitale pour des milliers d’américains, mais devient aussi très surchargée, ce qui lui vaut aussi le nom de « Bloody 66 ». En 1978, l’état de l’Arizona désigne la Route 66 comme Historic Highway. Puis, en 1953, le président Dwight D. Eisenhower lance un programme de construction de réseau autoroutier moderne à travers le pays, le Interstate Highway System. Le 27 juin 1985, la Route 66 est officiellement déclassée et disparaît des cartes... Les Interstate, plus rapides et plus directes, remplacent la « Mother Road ». Du jour au lendemain, le trafic est entièrement dévié des petites bourgades, ce qui est vécu comme une tragédie pour les commerçants vivant de la Route 66... Des centaines de commerces meurent et des villages entiers sont même abandonnés...

- Mr. D'z Dinner, 105 E Andy Devine Ave, Kingman, AZ 86401-5820
- Valle > Williams : 50min/49km via Arizona State Route 64
- Williams > Seligman : 40min/69km via Interstate 40
- Seligman >Hackbery : 1h/98km via Arizona State Route 66/Historic Route 66
- Hackbery > Kingman 36min/45km via Arizona State Route 66/Historic Route 66

Wiliams | jour 19

De bon matin, nous quittons notre motel de Valle et prenons la direction du Sud, sur la Arizona State Route 64, en direction de Williams. Dans un premier temps, nous pensions visiter la Grand Canyon Brewery, brasserie basée à Williams, produisant nos fameuses bières Grand Canyon :-) ! Malheureusement, la brasserie est fermée aujourd’hui... Plus nous avançons vers le Sud, plus le paysage aride et désertique du plateau du Colorado se transforme, les pins de Kaibab National Forest refont leur apparition. Pendant quelques minutes, nous longeons la fameuse ligne de Sante Fe Railroad reliant Williams et Grand Canyon Village. Sur notre droit, nous pouvons observer sur les collines un vaste champ d’éoliennes. Après une petite heure de route, nous rejoignons l’embranchement avec la Interstate 40 permettant le contournement de la petite ville de Williams. Nous continuons tout droit, et nous voici officiellement sur l’ancienne mythique Route 66 :-) ! Large route à quatre voies au bitume usé par le temps et le trafic. Elle semble aujourd’hui délaissée et fantomale. Au premier coup d’œil, on s’aperçoit d’entrée que nous sommes très loin de ses années de gloire et de la « Bloody 66 » ;-) ! Nous roulons vers l’Ouest et là, un énorme portique métallique nous souhaite la bienvenue à Williams. L’année 1881 y est mentionnée, année de fondation de la ville, et surtout, l’annotation « Gateway to The Grand Canyon » est arborée, surnom de Williams ! La route bifurque à travers les pins, nous franchissons les lignes de chemin de fer de Phoenix Subdivision et la petite ville de Williams fait son apparition !

Situé à plus de 2’000 mètres d’altitude, Williams tient son nom en l’honneur de William Sherley « Old Bill » Williams, célèbre trappeur et commerçant du 19ème siècle qui a exploré les Rocky Mountains et la région. Bill Williams Mountain se situe à quelques kilomètres au Sud, et une statue de Old Bill se dresse dans un parc de Williams. Nous parquons la voiture au centre de cette petite bourgade, et nous pouvons voir que la légendaire Route 66 reste fortement ancrée dans la mémoire de Williams et ses habitants. Des insignes, des panneaux, de veilles voitures, des noms de motels ou de cafés, des boutiques et des stations-service vintages, des tipis, tout tourne autour du thème de la Route 66 et du Grand Canyon. Nous nous baladons le long de ces sublimes bâtiments du début du 20ème siècle. Un énorme monument fait son apparition, ce dernier vante Williams comme étant « The best of Route 66 », pourquoi pas ;-) ! Plus loin, sur le mur d’un bâtiment, nous observons une énorme fresque de l’itinéraire de la route, mentionnant les états et les principales villes traversées, quel spectacle extraordinaire ! Nous apercevons aussi au loin la vieille gare de Williams desservant quotidiennement le Grand Canyon. Nous avons l’impression de revenir dans les années 1950, comme si rien n’avait changé, quel bonheur de découvrir l’univers et l’histoire de la « Mother Road » :-) ! Williams est restée dans l'histoire comme étant la dernière ville traversée par la Route 66, et la dernière à être contournée par la Interstate 40. Mais contrairement à d’autres villes, Williams reste dynamique notamment grâce aux touristes se rendant au Grand Canyon et aux nombreuses activités de la région, notamment les randonnées, la pêche et le ski, car oui, même avec son climat chaud, la ville est dotée d’un domaine skiable !


Interstate 40 | jour 19

Après notre premier arrêt qui nous a directement imprégnés dans l’univers de la Route 66, nous quittons la ville de Williams, et rejoignons l’échangeur Ouest de la ville donnant accès à la Interstate 40. Que ce soit vers l’Ouest ou l’Est de Williams, la Interstate 40 au totalement remplacer la Route 66 aujourd’hui impraticable. Nous devons donc parcourir une septantaine de kilomètres, jusqu’à la petite bourgade de Seligman, pour retrouver le prochain segment praticable de notre vieille Route 66. Nous quittons Kaibab National Forest, les petites collines forestières de Williams, pour retrouver le désert, les paysages arides et les longues lignes droites routières à l’horizon infini, comme nous les aimons :-) !

La Interstate 40 est un axe majeur Est-Ouest des États-Unis. Elle relie Wilmington, en Caroline du Nord, à Basrtow, en Californie, en passant par huit états, la Caroline de Nord, le Tennessee, l’Arkansas, l’Oklahoma, le Texas, le Nouveau-Mexique, l’Arizona et la Californie, et traversant les villes de Raleigh, Nashville, Memphis, Little Rock, Oklahoma City ou encore Albuquerque. D’une longueur de 4'119 kilomètres, cette autoroute est la troisième plus longue Interstate du pays après la Interstate 90 et ses 4'862 kilomètres, et la Interstate 80 et ses 4'666 kilomètres. La création et la construction de la Interstate 40 débutent dans les années 1950/1960, son dernier tronçon est inauguré en 1984 à Williams. Sur prêt de 2'000 kilomètres, la Route 66 est remplacée par la Interstate 40, d’Oklahoma City à Barstow. Wiliiams est la dernière ville dont la section de la Route 66 a été contournée. À l’époque, des poursuites judiciaires ont empêché la construction de ces quelques derniers kilomètres, les colonies demandaient à l'État de construire trois sorties Williams. Pour finir, ces poursuites ont été abandonnées, et la Interstate 40 est achevée le 13 octobre 1984. Le lendemain, les journaux américains annoncent la fin de la U.S. Route 66... L'année suivante, la Route 66 est déclassée... Sur environ 1’600 kilomètres, de l'Arkansas à la Californie, la Interstate 40 suit aussi Beale's Wagon Road. En octobre 1857, une expédition dirigée par le lieutenant Edward Fitzgerald Beale est chargée d'établir une route commerciale le long du 35ème parallèle de Fort Smith à Los Angeles. De 1857 à 1859, l’expédition voyage vers l’Ouest, sur leurs chameaux, et trace ce célèbre sentier. Un fait incroyable, de 1963 à 1966, le gouvernement envisage d’utiliser des bombes atomiques pour creuser le tracé de la Interstate 40 à travers la Californie... Mais le projet est abandonné, car considéré comme trop coûteux et trop nocif pour le nature ;-) !


Seligman | jour 19

Après une quarantaine de minutes en direction de l’Ouest sur la Interstate 40, un panneau nous indique « Exit 123, 40 to 66, Seligman, Next Right » :-) ! Il n’y a que la Interstate 40 qui permet de parcourir la septantaine de kilomètres qui séparent Williams et Seligman, la Route 66 ayant pratiquement disparu, l’autoroute ayant été construite sur son tracé. Mais nous comptons bien retrouver la Route 66 à Seligman pour passer un bon bout de temps avec elle ;-) ! Une fois dehors de la Interstate 40, un panneau nous souhaite « Welcome to Seligman, Birthplace of Historic Route 66 » ! Nous passons sous les lignes de Phoenix Subdivision, un virage à gauche, et là, une large route abîmée par le temps et l’histoire fait son apparition, nous voici à l’entrée de Seligman, nous voici sur la Route 66 ! Perché sur le plateau du Colorado, à 1600 mètres d’altitude, au milieu du désert, Seligman est une petite bourgade de moins de 500 habitants et emblématique de la Route 66. Dès notre entrée dans cette petite ville, la magie opère, nous sommes émerveillés ! Des dizaines d’insignes, de veilles voitures plus folles les unes que les autres, des drapeaux américains, des façades de maisons décorées de grandes fresques colorées, des plaques de voitures, des panneaux routiers, des affiches... Le tout dans le thème de la Route 66, c’est exceptionnel ! Un décor de rêve, historique, vraiment bien conservé, qui a su garder un vrai côté authentique ! Un retour dans le temps merveilleux :-) ! Seligman n’est pas vraiment une ville, mais plus une large rue où s’enchaîne boutiques aux allures de parc à thème. Nous garons la voiture au bord de Chino Street, rue principale de Seligman, qui n’est autre que la Route 66 ;-) ! Et c’est parti pour une balade dans ces boutiques et curiosités !

Il y a bien longtemps, toutes ces terres appartenaient au peuple amérindien Havasupai qui comptait une colonie dans la région de Seligman. Dans les années 1880, le rail est en pleine expansion, la ligne de chemin de fer Atchison, Topeka et Santa Fe atteint cette région en 1882. Sur cette ligne, l’arrêt de Prescott Junction est créé. Cet arrêt marque la jonction entre la ligne principale de Atchison, Topeka et Santa Fe et la ligne de Prescott and Arizona Central Railway Company. La petite ville de Prescott Junction se développe autour du rail et devient un noeud ferroviaire stratégique. En 1886, Prescott Junction est rebaptisé Seligman en l’honneur des frères Seligman, célèbres banquiers new-yorkais, ayant grandement participé aux financements du chemin de fer dans la région. L’histoire de Seligman est tout d’abord liée à celle du rail, avant d’être liée à celle de la route. Seligman connaît son apogée après la Seconde Guerre mondiale, lorsque les vétérans sont de retour, et les américains empruntent la Route 66 en direction de l’Ouest pour une meilleure vie. Hôtels, restaurants, stations-service, commerces, Seligman est une petite bourgade dynamique et prospère. Malgré ce conte de fées, Seligman tombe dans l’oubli le 21 septembre 1978 à 14h00, lorsque la Interstate 40 est ouverte, et que le trafic est entièrement dévié sur l’autoroute. Plus direct, plus rapide, moins dangereux, les automobilistes délaissent la Route 66, fatigués de rouler sur cette route sinueuse et étroite... Du jour au lendemain, Seligman devient une ville fantôme, la vieille Route 66 hantant son centre... Mais Seligman a fait quelque chose de plus que les autres, une résistance menée par le barbier de la ville, le grand Angel Delgadillo :-) !


Angel Delgadillo | jour 19

Nous arrivons devant le Angel Delgadillo's Barber, magnifique bâtiment au charme des années de gloire de la Route 66. Il s’agit de l’ancien barber-shop de Angel Delgadillo, aujourd’hui reconvertit en extraordinaire boutique de souvenir, mais où ce dernier exerce encore son métier de temps en temps :-) ! Cette boutique est un véritable musée... Des centaines d’objets, des antiquités, des photos... Le tout retraçant l’histoire de la Route 66... Un extraordinaire voyage dans le temps :-) ! Nous aurions voulu rencontrer Angel Delgadillo, mais il n’était malheureusement pas là aujourd’hui... D’ailleurs, nous n’aurions sûrement jamais mis les pieds à Seligman si Angel Delgadillo n’avait pas existé, et nous trouvons son histoire extraordinaire, voilà pourquoi nous allons vous la raconter ;-) ! Né le 26 avril 1927, le long de la Route 66 à Seligman, Angel Delgadillo est témoin de toutes les périodes de la route. De l’exode dû au Dust Bown, des mouvements d’hommes et de matériels pendant la guerre, des années de gloires au déclin de la Route 66. En 1950, il fonde son salon de coiffure, mais comme tout commerce le long de la route, avec l’ouverture de l’autoroute, tout s’arrête... Passionné par sa Route 66 et amoureux de sa ville natale, il veut redémarrer l‘économie à Seligman. Son idée, demander au gouvernement de créer une route historique entre Seligman et Kingman. Mais le gouvernement ne croit pas à son idée... Angel Delgadillo répond que « si vous trouvez que mon idée n’est pas bonne, je vais le faire moi même ! ». En février 1987, il réunit tous les commerçants de sa ville, et ils créent Historic Route 66 Association of Arizona. Pour relancer le commerce, ils mettent 10'000$ chacun et après une année de vente dans leurs magasins, ils envoient un million de Dollars de taxe au centre des impôts de Phoenix, juste depuis cette petite ville de 500 habitants. Depuis, le gouvernement de l’Arizona a autorisé la création de la Historic Route 66 en Arizona de Seligman à Kingman. Grâce à cet effort des habitants, le tourisme et l’économie de la Route 66 redémarrent aussitôt à Seligman, l'animation revient, et la ville reçoit le nom de « Birthplace of Historic Route 66 ». Depuis, des initiatives similaires ont depuis été mises en place dans tous les états américains traversés par la Route 66 pour relancer l’économie :-) !

Le petit coiffeur de Seligman, Angel Delgadillo, est maintenant surnommé « The Father of the Mother Road » ou encore « The Guardian Angel of Route 66 ». Des centaines de personnes se déplacent à Seligman pour le rencontrer et vivre son histoire. En 2005, le centre de Seligman est inscrit au National Register of Historic Places. Aujourd’hui, Seligman est le premier arrêt vers l'Ouest, sur le plus long tronçon ininterrompu de la Route 66, parcourant environ 260 kilomètres, jusqu'à Topock au bord de Colorado River, en passant par Kingman et l’emblématique village de Oatman ! Années après années, motels, restaurants, boutiques et lieux historiques bordant la Route 66 sont restaurés, accueillant à nouveau les voyageurs. Des associations locales et des passionnés de l'histoire de la route tentent d'entretenir sa mémoire et de conserver des objets témoins de son mythique passé. Grâce à Angel Delgadillo, la Route 66 suscite un intérêt mondial, les touristes s’intéressent à la mythique Route 66, et tentent d’emprunter son itinéraire d’origine, tout comme nous d’ailleurs :-) !


Arizona State Route 66 | jour 19

Après avoir déambulé dans ces boutiques, acheter de nombreuses plaques de voitures américaines et autres souvenirs, nous reprenons la route en direction de l’Ouest ! Get your Kicks on Road 66 ! Cette fois-ci, nous attaquons véritablement la mythique « Mother Road » :-) ! Dès notre sortie de Seligman, nous regagnons les grands espaces du plateau du Colorado, le désert à l’horizon infini tapissé de petites broussailles, coupé par de hautes chaînes de montagnes au loin. Après une trentaine de minutes à rouler en ligne droite, nous gagnons la petite ville de Peach Springs. Le paysage devient un peu plus accidenté et de belles collines rocailleuses font leurs apparitions. Peach Springs fait partie de la réserve amérindienne Hualapai et sert de siège administratif au peuple Hualapai. Non loin de là, à 64 mètres sous le niveau du sol, se trouve The Grand Canyon Caverns. Ces cavernes font partie des plus grandes cavités sèches des États-Unis. Découvertes en 1927, par le chercheur d’or Walter Peck, ce dernier les baptise Yampai Caverns. Puis, elles changent de nom, The Coconino Caverns, The Dinosaur Caverns, puis The Grand Canyon Caverns. Lieu sacré pour les amérindiens Hualapai, ces cavernes sont aussi désignées, en 1962, comme abri antiatomique par le gouvernement lors de la crise des missiles cubains. Puis en 1979, un télescope à rayons cosmiques y est installé. Ces cavernes peuvent être visitées, on peut y observer des squelettes humains et des restes d’animaux vivants il y a environ 11'000 ans.

En 1914, la Arizona State Route 66 est désignée comme National Old Trails Highway. La suite, on la connaît, en 1926, elle est baptisée U.S. Route 66, puis en 1985, elle est retirée du réseau routier. Certaines portions de la route sont absorbées par la Intertate 40 et d’autres sont cédées à l’état de l’Arizona, et retrouvent sa désignation de State Route. Ces deux extrémités se trouvent à Kingman et à Seligman, aux croisements avec la Intertstate 40. D’une longueur de 107 kilomètres, la Arizona State Route 66 est une belle alternative pittoresque à l’autoroute, au prix d’un certain temps. Plus nous avançons vers l’Ouest, plus la végétation change, plus les paysages perdent petit à petit leur végétation, les forêts de pins entourant la région de Williams, laissent place aux collines et aux plateaux rocailleux de la région de Kingman. Après Peach Springs, nous traversons les Music Mountains et ces sommets dépassant les 1'900 mètres d’altitude. La Route 66 nous offre de belles courbes et d’impressionnants dénivelés, tout comme la ligne de chemin de fer de Seligman Subdivision qui s’adapte tant bien que mal à la nature du terrain. La Interstate 40 a justement été construite à plusieurs dizaines de kilomètres au Sud, afin éviter cette région accidentée. Malgré la construction de l’autoroute, la Arizona State Route 66 permet encore de desservir de petits villages, entre Seligman et Kingman, comme Peach Springs, Truxton, Crozier, Valentine, Hackberry, Antares ou Hualapai.


Hackberry | jour 19

Une fois les Music Mountains traversées, nous retrouvons le calme plat du plateau. Au pied des montagnes, nous nous arrêtons, au bord de la Route 66, non loin du petit village de Hackberry, abritant une centaine d’âmes. Ancienne ville minière, Hackberry, fondée en 1874, tient son nom de sa mine, qui, elle-même, tenait son nom d’une sorte d’arbre, en français « arbre de micocoulier », dont un spécimen poussait dans une source voisine. Dans les années 1875, le prospecteur Jim Music, du même nom que la chaîne de montagne voisine, a fortement aidé à développer la mine d’argent de Hackberry. L’exploitation de divers métaux a fortement permis de développer la ville de Hackberry. En 1919, le minerai commence à s’épuiser, et différents litiges forcent la fermeture de la mine en 1920. Hackberry est pratiquement abandonné. Lors de l’arrivée de la Route 66, Hackberry renaît de ses cendres, la ville se redéveloppe. Mais comme ailleurs, avec l’arrivée de la Interstate 40, construite à une vingtaine de kilomètres plus au Sud, tout ou presque ferme, la ville est à nouveau pratiquement abandonnée... La famille Grigg y vit toujours depuis 1980, dont six générations sont enterrées au cimetière de Hackberry. En 1992, l’artiste itinérant Bob Waldmire, amoureux de la Route 66, rouvre le Hackberry General Store en tant que poste d’informations touristique et boutique de souvenir. Il est l’un des piliers de la résurrection de la Route 66, il a d’ailleurs même inspiré le film d’animation « Cars ». Le bâtiment du General Store est l’ancienne Northside Grocery, l’ancienne droguerie de Hackberry. Ouvert en 1930 avec l’arrivée de la Route 66. Aujourd’hui, Hackberry ressemble plus à un village fantôme, et son General Store est devenu une véritable attraction de la Route 66.

D’ailleurs, en passant à Hackberry, nous nous arrêtons devant le General Store de la ville. Lieu mythique et incontournable sur la Route 66, le Hackberry General Store nous offre un magnifique spectacle dans ce décor désertique de l’Ouest américain ! Les façades tout en bois et tôles rouillées prouvent que le bâtiment a traversé les époques et l’histoire. Sur notre droite, une énorme tour servant de réservoir d’eau affiche au loin « Welcome to Hackberry » ! De nombreuses et anciennes pompes à essence, floquée Route 66, s’élèvent fièrement devant le bâtiment. Un bric à brac de vieillerie vintage sont entreposées dans les alentours, de nombreux panneaux Route 66, des enseignes Coca Cola, de marques de cigarettes, d’huile de moteur et autres, de veilles glacières, des pièces de voitures et des outils de mécaniques rouillés, de vieux bidons d’essence, des centaines de cartes postales retraçant l’histoire de la Route 66... On peut d’ailleurs y observer une magnifique collection d’anciennes voitures et d’anciens camions de l’apogée de la Route 66, il y a aussi une magnifique Corvette rouge de 1957 sous la devanture du magasin. Plus loin, après avoir marché quelques mètres dans le sable, entre cactus géants et épaves de voitures, un autre bâtiment abrite un garage, telle une exposition, avec des mannequins en tenues plutôt décontractées, comme si tout s’était arrêté dans le temps depuis plus de 60 ans. Nous n’avons pas été dans le bâtiment, mais apparemment c’est tout aussi incroyable, nous avons entendu dire qu’un célèbre vieux chien nommé Max, et un homme barbu accueillent les visiteurs, et les toilettes des hommes sont, paraît-il, très « rock’n’roll et très « hot » ;-) ! Un magnifique retour dans les années 1950/1960 :-) !


Kingman | jour 19

Après ce magnifique retour dans le passé, nous nous réengageons sur la Historic Route 66 en direction de l’Ouest, tel les touristes Chicagoens tentant de gagner la côte californienne, à l’époque de l’apogée de la Mother Road ;-) ! Une fois le petit village de Antares passé, le plateau couvre tout l’horizon, les collines ont maintenant complètement disparu. Le bitume fil en ligne droite infinie vers le Sud-Ouest, en direction de Kingman. Nous parcourons une trentaine de kilomètres sans toucher le volant, en parallèle de la ligne de chemin de fer de Seligman Subdivision. Nous apercevons gentiment de petits quartiers de villas, typique américain, aligné, aux villas toutes de la même taille… Nous nous disons qu’il faut quand même être courageux pour vivre sous cette chaleur écrasante en plein milieu de ce désert Arizonien… Enfin, nous n’y sommes pas habitués, mais les gens d’ici le sont :-) ! Nous passons maintenant sous le pont de la Interstate 40 que nous retrouvons, mais nous continuons sur la Arizona State Route 66 en direction de Downtown. Nous voici sur Andy Devine Avenue, la route principale traversant Kingman, Main Street ! Des motels, des quartiers de villas, des fast-foods… L’entrée typique d’une ville américaine ! Tout à coup, au loin, un énorme château d’eau, le Kingman Water Tower, porte fièrement un énorme emblème Route 66, où nous pouvons lire « Welcome to Kingman » et la devise de la ville « Heart of Historic Route 66 » !

Pour la petite histoire, car nous aimons les petits moments d’histoire, tout commence en 1857 :-) ! Alors que l’état de l’Arizona n’existe pas encore, le lieutenant Edward Fitzgerald Beale, officier de la U.S. Navy, au service du Army Corps of Topographical Engineers, reçu l’ordre du U.S. War Department de construire une piste fédérale le long du 35ème parallèle, afin de tester l’utilisation des chameaux comme bêtes de somme dans le désert du Sud-Ouest du pays. En 1857, le lieutenant traverse l’actuelle Kingman, et en 1859, il crée et construit Beale's Wagon Road, reliant Fort Smith dans l’Arkansas, à Los Angeles en Californie. Le tracé de la piste passe par l’actuelle Kingman, car, non loin, se trouve une source d’eau, nommée Beale Springs, utilisée depuis des siècles par les amérindiens de la région. En 1882, Kingman est fondée, son nom tient de Lewis Kingman, ingénieur à Atlantic and Pacific Railroad et superviseur de la construction du chemin de fer qui relie Winslow dans l’Arizona, à environ 200 kilomètres à l’Est de Kingman, à Beale's Springs. Kingman est, à ces débuts, un simple embranchement ferroviaire, un « arrêt d’eau », proche de la source. Beale's Wagon Road est alors délaissé et remplacé la ligne de chemin de fer, la suite on la connaît, Beale's Wagon Road devient une partie de la Route 66, puis de la Interstate 40. Des vestiges de la piste sont encore visibles à White Cliffs Canyon à proximité de Kingman.


Mr. D'z Route 66 Diner | jour 19

En traversant Kingman, nous pouvons observer un nombre incalculable de symboles Route 66, la ville est grandement attachée à sa Mother Road ! À Kingman, se trouve le Arizona Route 66 Museum, que nous aurions bien voulu visiter d’ailleurs, mais le temps nous manquait… Il y a aussi le Mohave Museum of History and Arts et Locomotive Park, où nous pouvons observer Santa Fe Steam Engine no 3759, une énorme locomotive classée comme Historical Monument, en 1967, par la Santa Fe Railway Company. Construite en 1927 par la Baldwin Locomotive Works, cette locomotive à vapeur au charbon, de 212 tonnes, a fait le trajet pendant de nombreuses années entre Los Angeles et Kansas City. En 1953, lorsque le diesel remplace la vapeur sur la ligne, la locomotive no 3759 effectue son dernier trajet entre Los Angeles et Barstow, après avoir parcouru plus de 4 millions de kilomètres. Après son dernier voyage, la Santa Fe Steam Engine no 3759 est exposée à Kingman dans le Locomotive Park.

Bref, après ce moment de culture, nous commençons gentiment à avoir faim, il est gentiment 13h00… Nous nous arrêtons au centre-ville de Kingman, à proximité de Locomotive Park. Un énorme signe Historic Route 66 est peint au milieu du parking. Plus loin, contre un bâtiment, une magnifique fresque représente des motos sur un énorme drapeau américain. Quelques drapeaux de différents pays, états américains, quelques drapeaux des états confédérés, flottent dans les airs. À quelques mètres de nous, une magnifique Chevrolet 3100 bleue, aux plaques texanes, porte quelques logos Route 66 sur sa carrosserie brillante. Quel spectacle :-) ! Nous nous trouvons devant un magnifique bâtiment aux teintes turquoises et roses, vu la forme, une ancienne station essence rénovée et transformée en restaurant. Nous voici au Mr. D’z Route 66 Dinner ! Quelques tables roses devant le bâtiment et une bonne dizaine d’insignes, peintures, écritures, en relation avec la Route 66 sur sa façade. Impossible de ne pas y entrer, nous mangerons ici ;-) ! À l’intérieur, c’est extraordinaire… Les murs sont entièrement recouverts par des centaines de tableaux retraçant la culture et l’histoire américaine, des pompes à essence servent de décoration, bien sûr, des insignes Route 66, des emblèmes Coca Cola, de magnifiques juke-box, des fresques de Elvis Presley et de Marilyn Monroe… Un véritable musée ! Nous nous asseyons sous les fresques de Elvis et Marilyn, en très bonne compagnie, et en profitons pour manger burgers et hot-dogs, le tout garni de belles tranches de bacon et de fromage fondu, un régal ! :-)


U.S. Route 93 | jour 19

Une fois rassasiés, nous quittons cette magnifique petite ville de Kingman, et la Route 66, un pincement au cœur… Nous avons vécu un magnifique moment de l’histoire américaine ! Nous sortons de la ville et la quittons en direction du Nord-Ouest par la U.S. Route 93. D’une longueur de 2'187 kilomètres, la U.S. Route 93 est un axe majeur Nord/Sud du pays. Elle permet de relier la frontière canadienne, le Montana, l’Idaho, le Nevada et l’Arizona, pour terminer à Phoenix, capitale de l’Arizona. De notre côté, nous allons emprunter la U.S. Route 93 sur une portion de 120 kilomètres, futur corridor de la Interstate 11, entre Kingman et Las Vegas, nous gagnerons la frontière canadienne lors d’un prochain voyage ;-) !

La U.S. Route 93 file telle une cicatrice grise à travers le sable, la roche, et les broussailles jaunies par le soleil, du Mojave Desert. Sur une centaine de kilomètres, une large vallée de plusieurs kilomètres se dessine sans fin devant nous. À l’Est, cette vaste étendue plate est arrêtée par les Cerbat Mountains, et à l’Est, par les Black Mountains. Pendant pratiquement une heure, nous ne traversons aucun village, aucune ville… Une carrosserie, une petite station essence, quelques épaves de voitures, et quelques bâtiments abandonnés… Cette région ne semble vraiment pas très hospitalière, un paysage désolé, qui nous rappelle Desolation, le roman de Stephen King, de quoi nous faire froid dans le dos. Heureusement, cette portion de la U.S. Route 93, entre Phoenix et Las Vegas, compte en fort trafic, donc même si nous tombons en panne, pas de panique ;-) ! Peu à peu, nous nous rapprochons des Black Mountains, en quittant la vallée, nous passons Housholder Pass, où la route se faufile dans une fente taillée dans la roche. Nous voici au cœur des Black Mountains, sur le versant Ouest. À l’Ouest, des montagnes à perte de vue, on peut même deviner un profond canyon à quelques kilomètres, qui n’est autre que Black Canyon, où coule paisiblement Colorado River. Le canyon se rapproche de plus en plus de nous. Puis plus rien, la route s’enfile dans une brèche rocheuse, et serpente à travers la roche, nous n’avons plus aucune visibilité à l’horizon… Tout à coup, un panneau vert indiquant Mike O'Callaghan-Pat Tillman Memorial Bridge, et, sans même nous en rendre compte, nous voici perchés à plus de 270 mètres au-dessous de Colorado River, en franchissant Black Canyon. À gauche, de hautes montagnes rocheuses aux couleurs brunâtres foncées à perte de vue. Le contraste avec le ciel bleu est magnifique, à droite, de hauts plateaux rocheux, et à leurs bases, nous pouvons apercevoir un lac au bleu intense… Quel spectacle ! Après le pont, nous pénétrons dans une nouvelle brèche rocheuse, et un panneau nous indique « Nevada » :-) !


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